Trame brune et terre fertile : pourquoi les collectivités doivent s'y intéresser
Face à la raréfaction de cette ressource, la fertilisation in situ des sols offre une solution durable tout en contrant les impacts de l'artificialisation des sols.
La trame brune est un concept crucial désignant la continuité des sols sur un territoire, mais reste méconnue malgré l'urgence de sa préservation. Face à l'artificialisation des sols, la restauration de cette trame brune devient impérative. Des approches telles que le génie pédologique, la végétalisation urbaine et la réhabilitation des friches industrielles sont plébiscitées, mais l'accès à une terre fertile représente un défi majeur. Et si la fertilisation in situ des sols excavés était la solution ?
Après la trame verte et bleue : la trame brune au secours de la végétalisation urbaine
La trame brune suit la même logique que la trame verte (végétal) et la trame bleue (eau). Mais contrairement à ses consoeurs, on manque cruellement de connaissances sur la trame brune et sa cartographie reste marginale. La préservation de cette trame est pourtant essentielle, car l'artificialisation des sols génère de nombreux problèmes :
- risques d'inondations plus élevés ;
- perte de la biodiversité ;
- réchauffement climatique ;
- pollution ;
- réduction de la capacité des terres agricoles à nous nourrir ;
- renforcement des ilots de chaleur.
20 000 à 30 000 hectares perdus chaque année
De nombreux hectares d'espaces naturels, agricoles et forestiers disparaissent chaque année sous la pression de l'activité humaine, notamment par l'artificialisation des sols (1).
Lorsqu'elle n'est pas tout simplement interrompue par cette artificialisation, la trame brune soufre bien souvent de la pollution, de la compaction des sols ou encore de travaux mécaniques comme le labour profond. Les sols abritent pourtant un quart de la biodiversité totale de la planète, sa présence est donc capitale pour améliorer la biodiversité en ville. On y retrouve des micro-organismes (bactéries, champignons…), la microfaune (nématodes, tardigrades…), la mésofaune (acariens, diploures…) et la macrofaune (lombrics, coléoptères…).
Pour reconnecter les sols entre eux et créer une trame brune, on a souvent recours au génie pédologique. Cependant, le génie écologique et génie paysager jouent également un rôle déterminant pour désimperméabiliser les sols et réhabiliter les friches industrielles, afin de résoudre les différents impacts de l'artificialisation.
Les friches industrielles, une opportunité à exploiter
Il existerait, en France, 2 400 friches industrielles couvrant entre 90 000 et 150 000 hectares du territoire. Et c'est sans compter les friches commerciales et administratives, dont le nombre est inconnu ! (1)
La rareté de la terre fertile impulse une nouvelle gestion des sols excavés
La trame brune constitue un des axes de travail pour améliorer la biodiversité en ville. Mais les collectivités font face à un enjeu de taille : végétaliser la ville nécessite un sol fertile, alors que la ressource en terre se fait rare. La logique de zéro artificialisation nette des sols, entérinée par la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, implique de se recentrer sur l'existant. Les collectivités se tournent vers des terrains urbains dont les sols sont souvent stériles et pollués, avec une terre qui ne peut être réutilisée à moins de faire appel aux phytotechnologies ou à la fertilisation.
Dès lors se pose la question de comment réussir à fournir une ville en terre fertile, qui a été abordée sur le salon Paysalia 2023 lors de la conférence « Comment rendre nos villes fertiles si nous n'avons plus de terres ? ». Pierre Georges, Directeur du développement de Terres Fertiles, introduit le sujet en évoquant la nécessité de repenser la conception des sols.
« Aujourd'hui, on importe la terre depuis l'extérieur de la ville, et on évacue les déblais des chantiers vers l'extérieur sans se préoccuper de la qualité agronomique des sols excavés. Avec la politique de zéro artificialisation nette des sols, cela doit changer : il faut mieux considérer cette ressource en créant une économie circulaire et en établissant des ponts entre les différents corps de métier. »
Un constat partagé par Ornella Baronnick, ingénieure paysagiste et chargée de projet chez In Situ, qui plaide pour une fertilisation des sols in situ. « Jusqu'à présent, lorsque je prescris une terre, je ne peux connaître que ses caractéristiques minimales. En fertilisant des sols excavés in situ pour les réutiliser ensuite, cela permet mieux connaître la terre utilisée, de réduire les coûts environnementaux et de créer des projets végétalisés vraiment résilients, avec une garantie de reprise des végétaux. »
Une alternative qui séduit les entreprises du paysage, obligées de se fournir en terre végétale de qualité variable faute de pouvoir réutiliser la terre souvent stérile et polluée issue de chantiers.
Recréer une trame brune nécessite d'utiliser de la terre fertile, une ressource qui se raréfie. En entamant une réflexion sur la fertilisation des sols in situ et sur la trame brune, les collectivités peuvent agir sur différents tableaux tout en ménageant la forte demande des habitants pour renaturer la ville et l'objectif zéro artificialisation nette. Le sujet vous intéresse ? Rendez-vous en décembre sur Paysalia pour découvrir les meilleures solutions du marché !
(1) Vie Publique : Zéro artificialisation nette (ZAN) : comment protéger les sols ?