Comment convaincre son client de favoriser la biodiversité dans son jardin ?
5 paysagistes partagent leurs arguments face à un client réticent à l'idée d'intégrer davantage de biodiversité dans son jardin.
Tous les professionnels du paysage comprennent l'importance de la biodiversité. Mais vos clients, eux, ne sont pas forcément si enthousiastes quand il s'agit de l'intégrer dans leur jardin. Comment réagir face aux réticences de vos clients ? Nous avons demandé aux finalistes du concours Carré des Jardiniers 2021 les arguments qui font mouche pour convaincre vos clients de favoriser la biodiversité dans leur jardin.
Trouver des solutions qui nécessitent peu d'entretien — Stéphane FRITSCH
« Nos clients sont de plus en plus ouverts à la biodiversité et demandent l'installation d'un potager, d'un hôtel à insectes, etc. Cependant, ils veulent aussi un jardin avec le moins d'entretien possible, et choisissent un géotextile et des cailloux ou de l'enrobé pour lutter contre les mauvaises herbes, alors que cela va aseptiser le sol et créer un îlot de chaleur. Je leur propose plutôt de mettre des plantes couvre-sol avec un paillage en écorce pour préserver la biodiversité qui se développe dessous, ou d'installer du nidagravel dans les allées pour laisser passer l'eau.
Les gens veulent aussi des haies trop structurées. Je les oriente plutôt sur des haies nourricières avec des baies pour attirer les oiseaux, et des massifs fleuris tout au long de l'année avec des plantes qui attirent les abeilles. Je privilégie les essences d'arbres et pierres naturelles locales, car ça a aussi un impact sur la biodiversité ! »
Pour attirer les insectes, il y a les hôtels, mais aussi…
Résoudre l'équation entre usage et bien-être des organismes — Guillaume LACHANA
« Les doutes surviennent davantage auprès des particuliers et dans les copropriétés. Par exemple, certaines résidences avec des personnes âgées, habituées à avoir un jardin taillé au cordeau et tondu toute l'année, ont besoin d'un certain temps d'adaptation pour accepter des zones en gestion différenciée. J'explique qu'il faut prendre en compte l'usage de l'espace et le bien-être de la vie déjà présente (faune, flore et micro-organismes) et qu'il faut trouver le bon équilibre pour que l'usage final du jardin corresponde bien à ce que le client souhaite, sans sacrifier la biodiversité.
Les collectivités sont très demandeuses de biodiversité, et c'est notre rôle d'intégrer la question de l'usage dans l'équation, car il s'agit d'aménagements paysagers de plusieurs milliers, voire de centaines de milliers d'euros, il faut donc qu'ils servent vraiment aux riverains. Par exemple, si on veut une prairie fleurie fauchée deux à trois fois par an alors qu'elle va accueillir du public tous les week-ends pour jouer au ballon, ce n'est pas adapté. »
Créer un écosystème qui s'autorégule sur le long terme — Matthias ORSI
« J'explique aux clients sceptiques que le jardin est une parcelle de vie située au milieu d'autres corridors écologiques, et qu'on ne peut empêcher la vie de s'y installer. Plutôt que de choisir des solutions immédiates, court-termistes et polluantes, comme l'utilisation d'intrants ou l'imperméabilisation des sols, on peut privilégier la création d'un équilibre plus intéressant sur le long terme, y compris financièrement. Par exemple, si on détruit les vers de terre par des produits chimiques, ça nécessite de faire intervenir des jardiniers plus souvent pour aérer le sol. Par ailleurs, les gens veulent de moins en moins de produits chimiques chez eux, alors pourquoi continueraient-ils à en utiliser dans leur jardin ?
On peut favoriser la biodiversité au jardin en recréant un écosystème entre prédateurs et proies. Si mon client est un amateur de belles roses, je lui explique qu'il a plutôt intérêt à laisser pousser certaines mauvaises herbes qui vont détourner les pucerons de ses roses. »
Économiser de l'eau pour les générations futures — Hélène PÉPIN
« Je préfère travailler avec des clients avec qui je sens qu'il y a une ouverture : si on insiste pour avoir un gazon vert, des palmiers avec une piscine individuelle, ce n'est pas un projet pour moi. Je me préoccupe beaucoup de l'économie d'eau dans les aménagements paysagers, credo que j’applique à chaque projet. À mes clients lorsqu’ils ne le comprennent pas, je leur demande « Pensez-vous que les générations futures pourront arroser leur jardin quand la population dépassera 10 milliards d'humains ? ». On peut également évoquer le coût budgétaire de l'arrosage d’un jardin à l’année, et le comparer avec un aménagement de jardin adapté à la sécheresse, qui sera vite amorti.
Les jardins et parcs écoresponsables permettent aujourd'hui d'obtenir des labels, comme le
label BiodiverCity, ou Vegetal Local. C'est un argument important — marketing parfois —,
mais qui sert à engager la réflexion avec les collectivités. Ainsi les projets tendent vers des
aménagements de parcs et jardins fertiles et vertueux. »
Découvrez 4 pistes pour économiser l'eau au jardin
Démystifier la peur des « petites bêtes » — Franck SERRA
« Intégrer la biodiversité dans un projet de rénovation ou d'embellissement, ça met un vrai coup de neuf au jardin. Mais il y a parfois des craintes qu'il faut adresser, notamment concernant les « petites bêtes ». J'explique à mes clients que les insectes sont signe de propreté et de bonne santé du jardin, et que s’ils ont de quoi se nourrir dehors, ils ont moins de raisons d'envahir l'intérieur de la maison. Il y a aussi la peur du serpent qu'il faut là aussi démystifier, qui intervient dès qu'on veut créer des murets en pierre sèche. Ils sont généralement inoffensifs et il y a plusieurs astuces pour les éloigner, à commencer par créer un environnement accueillant pour les hérissons ou choisir des plantes répulsives.
Enfin, je leur fais comprendre que la biodiversité ne va pas contre la propreté et qu'il ne s'agit pas d'avoir une forêt vierge dans son jardin : il y a des zones entretenues, d'autres plus sauvages. C'est un équilibre. »
Pour favoriser la biodiversité dans les jardins, il s'agit avant tout de convaincre de l'intérêt de cette démarche. Le plus difficile consiste à trouver l'argument qui va toucher vos clients : est-ce la perspective de faire des économies d'eau ? D'obtenir un label ? De réduire les îlots de chaleur ? Grâce à nos finalistes, dont vous avez pu découvrir les incroyables projets sur Paysalia 2021, vous avez déjà un début de réponse !
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