Est-il important de suivre une formation pour devenir paysagiste ?
Le terrain ou les formations ? Les avis sont souvent partagés. Aujourd’hui pour démarrer, beaucoup décident de faire une formation avant de créer leur entreprise. En 10 ans, la proportion de chefs d’entreprise titulaires d’un diplôme est passée de 85% à 93%. Ils sont près de 40% à être titulaire d’un diplôme égal ou supérieur à Bac + 2 et 80% à détenir un diplôme de la filière paysage ou un autre diplôme de la filière agricole. La formation prendrait-elle le pas sur « le terrain » ? Les évolutions de notre métier imposeraient-elles des compétences multiples et accrues ?
Le terrain ou les formations ? Les avis sont souvent partagés. Aujourd’hui pour démarrer, beaucoup décident de faire une formation avant de créer leur entreprise. En 10 ans, la proportion de chefs d’entreprise titulaires d’un diplôme est passée de 85% à 93%. Ils sont près de 40% à être titulaire d’un diplôme égal ou supérieur à Bac + 2 et 80% à détenir un diplôme de la filière paysage ou un autre diplôme de la filière agricole. La formation prendrait-elle le pas sur « le terrain » ? Les évolutions de notre métier imposeraient-elles des compétences multiples et accrues ? Réponses dans l’ interview croisée de Louis BENECH et Victor LACAILLE. 2 hommes, 2 parcours, 2 écoles …
- Louis Benech, paysagiste de renom avec près de 300 jardins réalisés en France et à l’étranger, membre du Jury du Concours Carré des Jardiniers et parrain de l’édition 2015.
Découvrez Louis BENECH qui nous fait découvrir un jardin inédit en plein coeur de Paris en image en cliquant ici ! - Victor Lacaille, paysagiste concepteur, candidat concourant pour le titre de Maître Jardinier 2015.
Découvrez l’interview vidéo de Victor en cliquant ici.
Comment êtes -vous devenu paysagiste ?
Louis Benech : Par passion ! J'ai toujours aimé les jardins, avoir les mains dans la terre, prendre soin des plantes, faire des boutures et des semis... Mes grand-mères y ont grandement contribué : j'ai passé beaucoup de temps avec elles dans leurs jardins. Il y a aussi peut-être le fait d'avoir grandi sur une île où il y avait peu d'arbres... Du coup, à chaque fois que je venais sur la "terre ferme", je me précipitais vers les arbres et les « enlaçais ».
Victor Lacaille : Cette vocation s’est enracinée très tôt. Jeu de hasards, de circonstances et de rencontres heureuses. J’ai eu la chance de savoir très vite ce à quoi j’aspirais et je me suis nourri de mes expériences personnelles : un chapitre bref mais marquant de mon enfance en Bourgogne, à courir la campagne, la découverte du Bois des Moutiers et des noms qui y sont associés, les « leçons de choses » immergé dans les jardins normands et une sensibilité manifeste pour le dessin. Tout m’a conduit vers ce que je fais aujourd’hui, avec bonheur. J’ai fait de ma passion mon métier. Si bien qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre ma vie professionnelle et ma vie privée.
A quel moment avez-vous décidé d’en faire ce métier ?
Louis Benech : A la fin de mes études de droit... parce que mon souhait a toujours été de travailler dans les jardins mais que mon absence de don pour les mathématiques m'a éloigné des études d'ingénieur des eaux et forêts que je rêvais de faire. Mon diplôme de droit en poche, je suis parti en Angleterre me former directement sur le terrain en tant qu'ouvrier horticole. Je suis ensuite devenu jardinier chez des particuliers en Normandie et puis finalement paysagiste. J’ai appris sur le terrain, avec de très grands professionnels comme Harold Hillier, Roy Lancaster, Peter Dummer...
Victor Lacaille : Je dirais que la prise de conscience d’une éventuelle perspective professionnelle s’est opérée lorsque j’avais 14 ans. J’ai travaillé un été en tant que jardinier saisonnier au Bois des Moutiers, parc paysager planté sur les falaises du Pays de Caux au XIXe. Cela a été l’occasion de découvrir l’œuvre du célèbre duo, Miss Gertrude Jekyll et Sir Edwin Lutyens, une véritable révélation : j’ai décidé de devenir architecte paysagiste. La passion, la ténacité et la chance ont fait le reste. Je collabore aujourd’hui avec Maxime Coache, ami et associé, avec qui j’ai cette passion et vision commune du paysage. Plus qu’esthétique, le jardin est émotion. L’harmonie et la quiétude sont donc essentielles à la naissance d’un jardin réussi. Sans quoi, il ne serait que le fruit d’un artifice spatial, dénué de sens et de légèreté. C’est surement aussi pour cette raison que les plus grandes créations de l’histoire des jardins sont associées aux histoires de belles rencontres.
D’après-vous, pourquoi suivre une formation pour devenir paysagiste est important ? Qu’apportent les écoles de formation ?
Louis Benech : Les formations sont importantes pour toutes les subtilités à connaître pour pouvoir pratiquer sa passion (gestion par exemple). Lorsque l'on n'a pas fait d'études dans le domaine des jardins, on imagine toujours qu'un enseignement vous y aurait préparé mais c'est la naïveté du néophyte car ça n'est pas toujours le cas. Le désir d'apprendre en battant le fer, l'envie d'apprendre sur le tas, fonctionnent assez bien. Chaque école a ses atouts : la connaissance horticole pour certaines, la capacité d'imaginer des projets fous pour d'autres... Mais il est essentiel de faire des stages de terrain dans des jardins et des bureaux d'études pour voir concrètement comment le travail s'effectue.
Victor Lacaille : La richesse des formations liées au paysage tient avant tout dans la masse des sujets abordés. Horticulture, botanique, écologie, sciences du sol, histoire des villes et des paysages, représentation graphique "classique", outils numériques, etc. sont autant de points nécessaires à la compréhension d'un territoire quel que soit son échelle. L’interaction constante entre tous ces sujets est soulignée très tôt dans le cursus, encourageant ainsi l'étudiant à se soumettre à une méthodologie rigoureuse pour apporter des réponses aux sites traités adaptées à la complexité des différents enjeux. Autrefois, le paysagiste n'intervenait qu'en tant que "plasticien du paysage". Aujourd'hui, ses qualités artistiques ne suffisent plus, et il doit souvent d'ailleurs allier ses compétences à d'autres savoir-faire pour répondre au mieux aux nouveaux enjeux de l'évolution du territoire et de ceux qui l'habitent. Les paramètres liés aux changements climatiques, la pression foncière, les mutations sociétales et les nouvelles dynamiques de flux contraignent les paysagistes contemporains à proposer des aménagements qui ne sont plus uniquement que des effets de styles mais qui tendent vers un cadre propice à l'harmonisation des individus entre eux, et avec leur environnement.
Quel(s) conseil(s) donneriez vous à tout élève qui souhaite s’adonner à ce métier ?
Louis Benech : Passer beaucoup de temps dans les jardins et faire ses propres expériences botaniques. C'est en regardant un jardin grandir, évoluer, en tentant des choses que l'on comprend comment les associations végétales peuvent se faire. Et puis c'est également important de visiter des jardins partout au fil de ses déplacements. Chaque jardin a son histoire, chaque paysagiste sa manière de procéder. Le terrain est pour moi le plus crucial des enseignants.
Victor Lacaille : Une vie entière ne suffit pas à créer un beau parc dans sa pleine maturité. Commencez maintenant ! Soyez curieux, n’ayez peur de rien, il n’y a pas de réelles difficultés dans ce métier. Le chemin est long certes, mais au bout c’est la récompense d’œuvrer pour le plaisir du beau, et celui des autres.
Paysalia soutient la formation des professionnels et futurs paysagistes à travers de nombreuses animations et certaines conférences sur le sujet. Paysalia sera également un lieu de rencontres et d’échanges professionnels à travers l’organisation d’une Bourse à l’emploi et d’un Job Dating, en collaboration avec l’APECITA , spécialiste de l’emploi et du recrutement en agriculture.
Crédits photos : LYCEE HORTICOLE DE LYON DARDILLY - aloeTV