Quelle démarche pour mener le projet de végétalisation de sa collectivité ?
Stéphane Delavallade, ambassadeur Hortis, a développé un guide en 13 points pour accompagner la végétalisation des villes et villages.
Vice-président jusqu’en 2020 et aujourd’hui ambassadeur de l'association Hortis ; expert en environnement, écologie et biodiversité ; formateur au CNFPT, Stéphane DELAVALLADE connaît sur le bout des doigts les problématiques de végétalisation urbaine et à l’extérieur des milieux urbanisés. Pour accompagner le projet de développement du patrimoine vert des collectivités, qu'il s'agisse de réhabiliter des friches industrielles, développer leur patrimoine végétal ou implanter une gestion durable des espaces verts, il a développé une démarche méthodologique innovante en 13 étapes. À découvrir dans les grandes lignes ci-après, étayées des propos de M. Delavallade.
Une démarche méthodologique applicable pour tous les projets de végétalisation
Cette démarche accompagne la mise en place d'un programme pluriannuel de végétalisation urbaine et de requalification des espaces publics, et s'appuie sur les besoins et usages de ses habitants. Elle vise trois objectifs :
- renforcer la résilience du territoire face au changement climatique ;
- améliorer la qualité de l'air et du paysage ;
- réduire les consommations énergétiques sur le territoire.
Plus concrètement, elle peut être scindée en 13 phases qui permettent à une collectivité de piloter un projet sans oubli, qu'il s'agisse de travailler sur des milieux urbanisés, ruraux, agricoles, ou de réhabiliter des friches industrielles.
- Replacer la collectivité dans son contexte historique et géographique
- Trouver un fil conducteur qui caractérise la collectivité
- S'appuyer sur le patrimoine végétal et aquatique public et privé
- Déterminer et hiérarchiser les grands ensembles biologiques du territoire
- Définir les espaces à enjeux biologiques publics et privés au sein de ces ensembles
- Définir un programme d'actions pour chaque ensemble biologique
- Relier les espaces de nature entre eux
- Adopter une gestion durable des espaces
- Adapter le bâti existant pour la petite faune et la flore
- Appliquer l'Approche Environnementale de l'Urbanisme aux nouvelles zones à urbaniser
- Gérer de manière intégrée les eaux pluviales
- Mettre en place une gouvernance incluant citoyens et acteurs du territoire
- Effectuer un diagnostic écologique, des travaux d'aménagement qui confortent le potentiel identifié, et une communication sur le projet de végétalisation incluant l'éducation à l'environnement.
Une démarche qui permet aussi d'obtenir des labellisations très convoitées, comme le label national « Villes et Villages Fleuris » ou le régional « Commune Nature », qui ouvrent la porte à des subventions en plus d'améliorer l'attractivité du territoire.
Découvrez le rôle clé du végétal dans l'attractivité de votre ville
Spécialiste de cette méthode, Stéphane DELAVALLADE a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions.
M. DELAVALLADE, pouvez-vous expliquer quels sont les différents niveaux des grands ensembles biologiques du territoire ?
Stéphane DELAVALLADE : Du plus large au plus local, on retrouve le réseau vert régional, puis le réseau des déplacements, et enfin le réseau vert de proximité.
Le réseau vert régional apparaît sur le SRCE (Schéma Régional de Cohérence Écologique, intégré désormais au Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires) qui permet d'identifier les grands ensembles régionaux où les espèces peuvent accomplir toutes les phases de leur cycle de vie, ainsi que les corridors qui les relient. On y retrouve la trame bleue des milieux humides et la trame verte composée de plusieurs sous-trames, comme les milieux ouverts et les zones forestières.
Le réseau vert lié aux infrastructures de déplacement (routes, voies SNCF…) complète le premier réseau et permet aux espèces de se reconnecter au réseau vert régional. L'idée est de s'appuyer sur ces infrastructures partout présentes sur les territoires, à la campagne comme en ville (arbres le long des routes, arbres d’alignement en ville et végétation associée par exemple) pour développer des corridors de biodiversité le long des routes, voies SNCF, canaux, etc. Certains corridors sont déjà bien marqués, d'autres sont à construire ou à reconstruire, en y intégrant si possible des aménagements cyclables.
À lire aussi : Quand l'aménagement paysager s'invite dans les réseaux de transport
Enfin, le réseau vert de proximité regroupe l'ensemble du patrimoine végétal local et adopte une dimension sociétale. En ville, on développera un réseau de cheminement de proximité le plus végétalisé et sécurisé possible, pour pouvoir accéder facilement aux espaces verts ou pour que les enfants puissent aller à l'école sans emprunter les routes passantes. On va également revoir la gestion de ce patrimoine végétal : par exemple, respecter la forme de l'arbre lors de l'élagage, tailler les arbustes le moins possible, et diversifier les essences pour éviter les maladies. En campagne, s'il existe des chemins le long des champs, on peut les affecter à des mobilités douces, dans une démarche concertée avec les propriétaires. On peut aussi végétaliser ces chemins avec des essences attractives pour les animaux, notamment pour les insectes pollinisateurs. À noter que ces principes s’appliquent également au réseau vert lié aux infrastructures de déplacement.
Vous parlez d'appliquer les principes de gestion durable des espaces verts. Comment cela se déroule, concrètement ?
Stéphane DELAVALLADE : L'idée est d'adopter une gestion qui respecte la physiologie des végétaux et permet l'expression d'une diversité biologique. Par exemple, il y a quelques années, on tondait 15 à 20 fois / an. Impossible d'avoir une vraie diversité végétale au sol avec un tel rythme ! Il faut renaturer les espaces en créant toutes les strates telles qu'elles existent dans la nature, pour reconstituer un milieu accueillant pour les animaux.
Mais ça ne sert à rien de faire tout cela si ces espaces sont éclairés toute la nuit sans interruption, empêchant ainsi à la vie biologique de prospérer. Il y a certes des impératifs de sécurité et de visibilité, mais a-t-on vraiment besoin d'avoir un éclairage public qui éclaire le ciel, comme c'est le cas avec les lampadaires à boule ? Pour créer cette trame noire, on peut moderniser le matériel d'éclairage et espacer les sources de lumière, réduisant ainsi les coûts énergétiques pour la collectivité. Il ne faut pas oublier cependant qu'être dans le noir est angoissant pour la population, il faut donc travailler avec elle sur les solutions à mettre en place pour que tout le monde y trouve son compte.
Les nouveaux enjeux de l'éclairage public : comment y répondre ?
Comment obtenir l'adhésion du public quand on mène un projet de végétalisation urbaine ?
Stéphane DELAVALLADE : Dès le début de l'étude, il faut impliquer la population pour qu'elle soit actrice de la démarche. On peut mettre en place des animations pour montrer où la collectivité veut aller : expliquer pourquoi on veut réduire les tontes et laisser les arbres et arbustes en port libre, créer des animations liées à la reconnaissance des végétaux, monter un club d'astronomie locale grâce à l'instauration de la trame noire, proposer des sorties nocturnes à la découverte des chauves-souris... C'est pourquoi il est nécessaire de s'appuyer sur les personnes-ressources locales qui peuvent prendre le relai pour animer des groupes.
Quand on rentre dans des programmes comme cela, c'est long et on peut rencontrer des oppositions. Ce qui est important, c'est de donner du sens, raconter une histoire. C'est pour cela que l'on doit mettre les choses en perspective, retrouver un fil directeur, susciter l'émotion.
Comment l'association Hortis peut-elle accompagner les élus intéressés par votre méthode ?
Stéphane DELAVALLADE : Il ne faut pas hésiter à nous contacter pour avoir plus d'informations sur cette démarche méthodologique, ainsi que les associations d'élus avec lesquelles nous tissons des partenariats forts. Les collectivités peuvent proposer à leurs responsables d'espaces verts d'adhérer à l'association Hortis, nous avons même ouvert l'inscription à des professions dites « amies » : paysagistes, gestionnaires d'espaces naturels, etc.
Nous avons également un stand sur le salon Paysalia et serons présents du 30 novembre au 2 décembre 2021 pour répondre à toutes les interrogations que peuvent rencontrer les collectivités dans l'aménagement et la gestion durable de leurs espaces verts. Nous vous attendons nombreux !
Merci à Stéphane DELAVALLADE pour le partage de son expertise.
© Crédit photo : Artinun / Adobe Stock