Opération « Plan Canopée » : quand l'arbre reprend racine dans la ville
Frédéric Ségur, de la Métropole de Lyon, s'exprime sur les objectifs du Plan Canopée déployé dans le Grand Lyon.
Comment développer davantage la « forêt urbaine » d'un territoire pour faire face aux enjeux climatiques du XXIe siècle ? Le Grand Lyon, terre d'accueil du salon Paysalia, a élaboré une solution judicieuse. Nom de code : « Plan Canopée » ! Situé à la confluence entre plusieurs démarches territoriales, ce plan à vocation opérationnelle a pour objectif de transformer durablement le paysage urbain de la seconde plus grande métropole française. Pour en savoir plus, nous avons interviewé Frédéric Ségur, Responsable Ingénierie et Prospective du Patrimoine Végétal de la Métropole de Lyon, instigateur et animateur du Plan Canopée.
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Paysalia : Bonjour M. Ségur. Pouvez-vous nous expliquer dans quel contexte s'inscrit le Plan Canopée ?
Frédéric Ségur : La Métropole de Lyon prend à cœur la plantation d'arbres depuis presque 30 ans maintenant. Cela correspond à une forte demande de la part des habitants pour créer une ville verte plus agréable à vivre. Ce travail sur la renaturation de la ville s'est focalisé très rapidement sur l'arbre, car il a une valeur symbolique pour la population, mais aussi pour les élus puisqu'il est synonyme de long terme.
À notre époque, où tout est basé sur le court terme, il est important de faire passer ce message de durabilité et d'altruisme, car la philosophie sous-jacente de l'arbre est de bénéficier aux futures générations. Nous avons d'abord travaillé cette volonté sous la forme de la Charte de l'Arbre, que j'avais déjà présentée lors d'une précédente interview sur Paysalia. Elle est signée par des institutions publiques, privées ou associatives, et repose sur 4 axes stratégiques et 25 recommandations. Elle constitue un véritable réseau d'acteurs afin de transformer la ville pour la rendre plus arborée.
Cependant, avec cette charte, nous restons tributaires de ce réseau. Il est devenu important, au fil du temps, de faire passer les gens à l'action. Nous avons donc créé un nouvel étage de cette « fusée écologique » sous la forme du Plan Canopée : il s'agit d'un véritable hybride entre la Charte de l'Arbre et le Plan climat du Grand Lyon. Ce dernier est en effet insuffisant pour atténuer à lui seul les effets climatiques qui vont avoir des incidences sur tous les territoires (montée des eaux pour les villes côtières, forte tension en eau potable…).
Quelles sont les spécificités de la Métropole de Lyon en rapport à ces nouveaux risques ?
Dans notre territoire, le principal risque est sanitaire : la population souffre de la chaleur. La Métropole de Lyon à un climat à la fois continental et méridional, les vagues de chaleur sont donc importantes et exacerbées par les îlots de chaleur. Cette accumulation de chaleur augmente considérablement la température : en moyenne, nous avons de 2 à 4 degrés d'écart avec la campagne environnante, et cela peut monter jusqu'à 10 degrés en période de canicule !
Cette problématique de l'îlot de chaleur urbain n'est cependant pas nouvelle. Au XIXe siècle, on plantait déjà des arbres pour faire de l'ombre et rafraîchir les promenades. Mais le modèle de conception des villes, qui privilégie la voiture et les surfaces minérales, et le phénomène de métropolisation accentuent ce problème qui atteint son paroxysme.
La population ne peut plus plus se ressourcer dans la nature environnante, car elle doit faire une heure de route pour sortir de la métropole. Cela met en évidence le besoin de retrouver la nature, au quotidien, au cœur de la ville.
Le Plan Canopée utilise donc l'arbre comme outil pour contrecarrer ces risques. Quelle est la situation de l'arbre dans la Métropole de Lyon actuellement ?
Nous avons réalisé une étude avec des photos aériennes pour caractériser la forêt urbaine de la Métropole de Lyon. Il faut savoir qu'en ville, tous les arbres, qu'ils soient du domaine public ou privé, constituent une forêt diffuse que l'on peut appréhender en tant que forêt urbaine. Leur feuillage possède une très grande surface pour l'évapotranspiration, nécessaire pour ramener de la fraîcheur en zone urbaine : un platane équivaut à la superficie d'un terrain de football si l'on mettait ses feuilles bout à bout !
En étudiant ces photos aériennes, nous avons constaté que ces arbres occupent 27 % de la superficie de la Métropole de Lyon. Cela correspond à la moyenne des grandes villes américaines. C'est plutôt rassurant, sauf que les États-Unis et le Canada tendent vers un objectif de 30 à 40 % de surface de forêt urbaine.
Dans notre métropole, la forêt urbaine est majoritairement située sur du domaine privé (particuliers, entreprises, copropriétés…) et 20 % seulement des arbres sont sur des espaces publics. Il y a un donc un gros enjeu qui concerne la protection de l'existant via les règlements d'urbanisme.
Comment le Plan Canopée complète-t-il les actions déjà existantes ?
Le Plan Canopée se combine avec un autre projet de ville perméable, destiné à relier la gestion de l'eau pluviale avec la gestion des arbres pour amplifier l'effet rafraîchissant du végétal.
Il accompagne également le plan climat évoqué précédemment au travers de l'urbanisme vert (création de nouvelles surfaces végétalisées, implantation de bacs à fleurs, etc.). Le Plan Canopée capitalise ainsi les actions de toutes les communes et acteurs de la métropole, y compris les acteurs privés.
Zoom sur les 4 axes majeurs du Plan Canopée
- Pérenniser et développer le patrimoine arboré
- Favoriser le bien-être et la mobilisation des citoyens
- Fédérer les professionnels autour du plan Canopée
- Améliorer la connaissance et développer de nouvelles pratiques
Consultez le détail de ces actions sur le site de la Métropole de Lyon (pdf).
Quels sont les objectifs actuels du Plan Canopée ?
Aujourd'hui, l'idée est d'aller plus loin en ayant plus de signataires et en mobilisant les habitants. Nous avons près de 3 millions d'arbres sur notre territoire, et nous souhaitons planter 300 000 arbres de plus d'ici 2030 pour atteindre 30 % de surface de forêt urbaine, afin de nous rapprocher des objectifs de résilience du territoire. En dessous de cela, le gain climatique sera quasi nul. C'est un chantier ambitieux !
Comment comptez-vous vous y prendre pour faire adhérer à ce plan d'envergure les nombreux acteurs concernés ?
Il nous faut mobiliser les acteurs de la métropole : pour cela, toutes les entreprises du paysage qui sont signataires de la Charte de l'Arbre peuvent faire le relai. Nous devons être pédagogues pour faire comprendre à la population que son destin est entre ses mains : nous ne pouvons plus envisager la collectivité comme un État-providence qui va résoudre tous les problèmes. Nous devons impérativement faire adhérer les habitants à cette logique d'effort collectif partagé.
Bien sûr, nous pensons à des contreparties, comme du conseil gratuit (quelles espèces planter, quelle gestion adopter…), mais également un volet incitatif (prime pour acheter un vélo électrique, défiscalisation, prime de plantation…).
Nous n'avons pas les moyens de payer pour tout ce dont la Métropole de Lyon aurait besoin. On doit choisir entre ce qui est dispensable, et ce qui est indispensable. L'intégration de la nature en ville doit être clairement reconnue comme indispensable, et donc devenir une priorité.
Quels sont les plus gros challenges que vous allez rencontrer pour appliquer ce plan ?
L'année prochaine auront lieu les élections municipales : nous lançons donc actuellement des idées, mais nous devrons attendre 2020 pour connaître les engagements des nouveaux élus qui permettront — ou non — la réussite de cet objectif. Nous comptons sur la prise de conscience de la difficulté à vivre une canicule. C'est un travail de longue haleine, car ce sont les arbres plantés il y a 30 ans qui nous apportent de la fraîcheur. Ce sont donc les générations vivant en 2050 qui bénéficieront de ce travail.
Vous souhaitez en savoir plus sur le Plan Canopée ?
Retrouvez Frédéric Segur en conférence sur la place du village jeudi 5 décembre de 12h à 12h30
De tels plans ont-ils déjà été déployés ailleurs ? Quels en sont les résultats ?
À New York, un million d'arbres ont été plantés en combinant des actions publiques et privées pour rafraîchir la ville. Beaucoup d'arbres ont également été plantés en Australie. Montréal, qui est assez proche de Lyon en matière de superficie, a aussi adopté un plan de développement de sa forêt urbaine.
En Europe, cela reste un sujet émergeant, mais il y a une vraie convergence de ces questionnements autour de collectivités pilotes, dont la Métropole de Lyon fait partie ! Les pays nordiques sont sensibles à l'environnement et ont des villes plus vertes, où la population est plus impliquée pour sa qualité de vie. Les villes des pays du Sud sont quant à elles plus exposées sur les questions climatiques. Nous savons que Barcelone a entamé une réflexion d'urbanisme vert sur le sujet, notamment autour de la plantation d'arbres.
Vous contribuez activement au salon Paysalia. Quelles actions allez-vous entreprendre lors de l'édition 2019 ?
Nous représentons la collectivité d'accueil du salon. Nous y avons un stand et nous organisons des visites techniques et des animations. Il s'agit d'une véritable vitrine de ce qui est fait sur la Métropole de Lyon en matière d'urbanisme vert !
Dans le cadre de la journée Ville Verte, nous proposerons le 3 décembre, en collaboration avec l'AITF (Association des Ingénieurs Territoriaux de France), une visite autour de la découverte de projets innovants en matière de plantation urbaine. Un événement à ne pas manquer pour les collectivités, concepteurs paysagistes et entreprises du paysage !
En savoir plus sur la Journée Ville Verte
Merci à Frédéric Ségur de nous avoir dévoilé les dessous du Plan Canopée ! Pour plus d'informations, rendez-vous sur le blog de la Métropole de Lyon. Et pour connaître encore plus d'initiatives novatrices, rendez-vous sur notre article présentant 6 startups qui contribuent à l'essor de l'urbanisme vert !
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