Carré des Jardiniers 2023 : « Qu'évoque donc cette nature pour que nous en ayons parfois si peur ? », par Antoine De Lavalette
Face au thème « Biodiver’Cité : Comment habiter la ville de demain ? », le prétendant au titre de Maître Jardinier interroge notre inconscient sur notre rapport à la nature.
Redécouvrir une impasse oubliée, dans laquelle la nature s'épanouit sans être contrainte, et y retrouver un souvenir d'enfance qui fleure bon l'insouciance : c'est le beau projet de Antoine DE LAVALETTE, finaliste du concours Carré des Jardiniers. Face au thème « Biodiver’Cité : Comment habiter la ville de demain ? », le prétendant au titre de Maître Jardinier interroge notre inconscient sur notre rapport à la nature, qui est selon lui le frein majeur à adresser pour le retour du végétal et de la biodiversité en ville. Un jardin urbain audacieux, à découvrir sur le salon Paysalia 2023, et dont les coulisses vous sont dévoilées dans cette interview.
Quel est votre parcours de paysagiste, en quelques mots ?
Antoine de Lavalette : Mon père est paysagiste et je l'ai toujours aidé dans notre jardin. C'est probablement un mélange d'une enfance à la campagne très libre et d'occupations de jardinage régulières qui m'ont amené à en avoir fait mon métier aujourd'hui. J'ai fait des études de droit et de langues orientales en me laissant un peu porter avant de prendre la décision de devenir jardinier-paysagiste.
J'ai intégré l'École nationale du paysage et après quelques années à travailler avec le paysagiste Camille MULLER, je suis parti à Toulouse pour continuer l'apprentissage aux côtés de mon oncle et de mon père. Je dirige maintenant cette entreprise familiale, Nature & Création, avec ma cousine Florence et nous sommes aujourd'hui entourés de 13 collaborateurs.
J'ai passé mon enfance entre la France et la Thaïlande, entre deux natures, deux mondes qui réfléchissent et perçoivent les choses différemment. En définitive, des saisons et des rythmes différents qui forgent dans l'esprit de chacun un rapport à la Nature qui dépend de là où on se trouve. C'est cette part de soi et des autres que je commence souvent par chercher à connaître quand il est question de jardin.
Le portrait chinois d'Antoine DE LAVALETTE
Dans chaque jardin, on retrouve une part de la personnalité du paysagiste qui l'a conçu.
- Si j'étais un mot, je serais… « faux calme »
- Si j'étais un son, je serais… « le bruit du vent dans les arbres juste avant le déluge »
- Si j'étais une émotion, je serais… « l'insouciance »
- Si j'étais un type de musique, je serais… « une grande piste aléatoire »
- Si j'étais un plat, je serais… « un carpaccio de tofu »
- Si j'étais une heure de la journée, je serais… « l'heure à laquelle la nature s'éveille »
- Si j'étais un superpouvoir, je serais… « pouvoir voler »
Comment vous est venu le concept de votre jardin urbain « L'im.pas.si.sage » ?
Antoine de Lavalette : Je m'attendais à un thème plus poétique, mais finalement c'est un sujet très actuel sur lequel nous aurons à réfléchir, alors autant s'y pencher de suite. Pour éviter de réfléchir en terme de « solutions innovantes », nous avons voulu faire un projet qui nous ressemble. À nous de raconter une histoire, une progression en faisant passer notre univers au travers du prisme du thème imposé. C'est ainsi qu'est née « l'im.pas.si.sage », jardin urbain qui s'ensauvage progressivement.
Bien qu'aujourd'hui, on a plus tendance à penser les jardins comme des espaces plus naturels, cette crainte irrationnelle du "sauvage" doit être questionnée. Qu'évoque donc cette nature pour que nous en ayons parfois si peur ?
Avec « L'im.pas.si.sage », on pénètre dans une ruelle en chantier, où on laisse la nature poser ses bagages. On la guide, plutôt que la contraindre, pour montrer une réelle cohabitation entre l'humain et le végétal.
Comment abordez-vous le thème de la biodiversité ?
Antoine de Lavalette : Nous l'abordons par le végétal. Il est le socle de cette biodiversité que nous allons évoquer. Elle doit être absolument présente dans nos villes, c'est un morceau de nature préservé dans un milieu urbain.
Notre « im.pas.si.sage » est à la fois un lieu de préservation et un message en faveur du sauvage. On veut montrer une scène de paysage en ville qui renforce ce contraste entre une part sauvage, une part plus sage. C'est à nous de rendre la nature accueillante, interactive et vivante. Pour profiter de cette biodiversité, il faut savoir ralentir. S'installer au centre de cette placette nous aide à profiter d'un instant qui créera des souvenirs.
Vous rencontrez des difficultés pour convaincre vos clients de favoriser la biodiversité dans leur jardin ?
Comment intégrez-vous les tendances actuelles du jardin dans votre création ?
Antoine de Lavalette : Il y a une forme d'engouement pour les jardins aux ambiances naturalistes. Notre projet est inspiré de ce type de palette végétale. Ensuite nous retrouvons l'aspect interactif à travers une fresque dessinée au sol qui vient colorer le bitume et participe à l'histoire de notre jardin : une forme de réappropriation de l'espace, en vogue, qui est souvent utilisé comme support pédagogique pour les enfants.
D'ailleurs nous avons demandé aux enfants de l'école du village de nous aider à imaginer ces motifs évoquant la biodiversité et qui seront représentés au sol dans notre jardin.
Quelles émotions souhaitez-vous susciter auprès des professionnels qui visiteront votre jardin urbain ?
Antoine de Lavalette : J'espère que les visiteurs ressentiront la même émotion qui nous porte dans ce projet. D'une certaine manière, je crois que c'est l'expression d'un manque... la campagne nous manque, ou peut-être que nous ne voulons pas l'oublier. Nous voulons nous souvenir et partager les souvenirs qu'elle nous évoque. Et elle évoque tant d'émotions que j'espère que notre projet parlera à tous.
Pouvez-vous nous présenter l'équipe qui vous épaule pour ce concours Carré des Jardiniers ?
Antoine de Lavalette : J'ai rencontré Adlan HERISSON sur mon premier chantier avec Camille MULLER. On est devenus très proches, et on a toujours eu envie de relever un défi comme celui-ci ensemble. Il y a Marie COURONNE, paysagiste-conceptrice et enseignante en aménagements paysagers, que j'ai rencontré l'année dernière et avec qui je partage une vraie vision. On a imaginé le jardin du Carré des Jardiniers ensemble.
Puis il y a Brice ENJALRAN : il gère tout sans stress apparent ! Je le connais depuis que j'ai 14 ans, il a toujours été dans l'entreprise. Il a un esprit pratique incroyable et est le garant de la faisabilité du projet.
Enfin il y a Anthony LEFEBVRE, notre apprenti. Plus jeune mais extrêmement posé, il a un potentiel incroyable enveloppé d'un voile d'humilité. Mon petit doigt me dit que sa présence sera cruciale lors du concours.
Pour découvrir le jardin urbain de Antoine DE LAVALETTE et ses propositions pour ramener la biodiversité en ville, rendez-vous sur le salon Paysalia, du 5 au 7 décembre 2023.
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