Antoine De Lavalette, Maître Jardinier 2023, évoque son expérience du Carré des Jardiniers
Après avoir décroché le très convoité titre de Maître Jardinier, Antoine De Lavalette révèle les coulisses du concours Carré des Jardiniers.
Après avoir décroché le très convoité titre de Maître Jardinier, Antoine De Lavalette révèle les coulisses du concours Carré des Jardiniers. Comment vit-on cette expérience, depuis la phase de conception jusqu'au moment où 38 000 visiteurs foulent le sol d'un jardin né en seulement 4 jours ? Quels conseils donner aux concepteurs-paysagistes qui voudront tenter leur chance ? Ce précieux retour d'expérience aidera de nombreux candidats à se projeter dans ce concours, dont la prochaine édition se tiendra en 2025.
Comment s'est déroulée la mise en place de votre jardin urbain « L'IM.PAS.SI.SAGE » ?
Antoine De Lavalette : Nous avions fait un planning, tout en sachant qu'il pouvait y avoir un hic en cours de route et c'est évidemment ce qu'il est passé. Nous avons mis 4 jours pour tout monte, mais on a finalement terminé très en avance le dernier jour, ça s'est donc plutôt bien passé !
70 % de notre jardin reposait sur une palette végétale, et j'ai fait plusieurs trajets en région lyonnaise chez nos pépiniéristes fournisseurs pour connaître l'état des plantes, leurs couleurs, leurs textures et passer les saluer aussi. Mais la part d'improvisation a été très importante car le plan de plantation était plutôt abstrait.
Nous avons saisi l'opportunité offerte par l'emplacement de notre jardin sur le salon Paysalia 2023, juste sous la mezzanine où se trouvait le jury. On a passé beaucoup de temps là-haut à regarder pour ajuster les éléments du jardin.
Quelle a été votre réaction en apprenant que vous avez remporté le trophée de Maître Jardinier 2023 ?
Antoine De Lavalette : Toute l'équipe de Nature et Création y croyait. Disons que c'est la base ! Mais j'avoue qu'on a été impressionné par le déploiement de moyens des autres équipes à notre arrivée : les semis, les porte-chars, le matos, etc. Avec notre semi à moitié chargée, on est un peu passé pour des touristes au début... Comme quoi ! Au moment de l'annonce du gagnant, j'étais très concentré, je me refaisais le film de toute l'année écoulée et j'essayais de ne pas me projeter sur le résultat.
Quand j'ai entendu mon nom, c'était un peu comme si on me tirait un rêve avec une gifle : je suis un peu abasourdi, j'avance vers Jean Mus, puis je me tourne vers mon équipe. S'ensuivent des embrassades, des poignées de mains, et beaucoup d'émotions.
Comment avez-vous vécu ce concours Carré des Jardiniers 2023 ?
Antoine De Lavalette : C'était très intense ! Bien que les journées de montage soient longues, on est relativement au calme, on gère. Mais à l'ouverture du salon, le flux de visiteurs était continu, on rencontre beaucoup de monde. Je ne sais pas comment j'ai pu penser une seule seconde que ma présence pendant le salon se résumerait à être assis dans un coin, à bouquiner en attendant la fin de la journée...
Au début, on veillait à ce que les visiteurs ne soient pas trop nombreux à monter sur le filet tendu, mais on a fini par laisser tomber. Comme pour les craies d'ailleurs : il a fallu transformer quelques dessins un peu trop suggestifs en jolies fleurs innocentes, puis on a arrêté, et finalement cette fresque s'est répandue sur tout le jardin et c'était superbe. Je me souviens du moment où le jury est venu dans le jardin et est monté sur le filet : on limitait à 8-9 personnes l'accès pendant le salon et là, tous les membres du jury décident d'aller s'y installer en même temps. Je commençais à croiser les doigts, puis Gary s'est mise à sauter au milieu avec tout le monde dessus… À ce moment-là, j'ai peut-être prié !
Nous avons été sollicités par la presse pendant le salon et on a déjà des retombées ici et là. À l'heure actuelle, on parle encore du concours, alors on verra bien où ça nous mène. On fera en sorte de se servir intelligemment de cette visibilité et de rester nous-mêmes !
Comment les visiteurs ont-ils réagi face à votre jardin ? Était-ce en accord avec ce que vous aviez imaginé ?
Antoine De Lavalette : Paysalia a beaucoup évolué. Je dirais qu'en 4 ans, en plus du nombre de visiteurs qui a considérablement augmenté, le salon attire de plus en plus de futurs paysagistes et de jeunes paysagistes indépendants en plus des entrepreneurs du domaine déjà bien établis. Ça montre bien que Paysalia est devenu LA référence pour l'ensemble de la profession.
Nous ne pensions pas que notre jardin séduirait autant le public ! Je pensais qu'une scène de nature sauvage et l'emploi de matériaux qu'on utilise rarement dans un jardin ne plairaient pas trop. Nous espérions surtout convaincre le jury. Finalement nous n'avons que de bons retours et l'intention ludique de notre jardin l'a fait vivre pendant 3 jours !
Ce jardin nous ressemblait beaucoup et évoquait vraiment notre vision des choses. Il y avait une histoire, un concept, une progression et un contraste entre l'entrée et l'arrivée face à la placette qui créait une belle surprise. Au début je poussais un peu les visiteurs à monter l'escalier vers le filet puis plus du tout ensuite. L'expérience que nous voulions leur faire vivre a fonctionné !
Que vous ont demandé les étudiants qui sont venus vous voir ?
Antoine De Lavalette : Leurs questions étaient assez pragmatiques : "expliquez-nous le choix de votre palette végétale", "est-elle adaptée au changement climatique ?", "vos matériaux répondent-ils à une tendance actuelle ?", etc. Des questions importantes évidemment, mais qui n'ont pas questionné le parti pris au sujet de la renaturation de la ville que nous avions eu lors de notre réflexion.
Le concept de notre jardin reposait sur des intentions beaucoup plus sensibles et émotionnelles que rationnelles et visibles. Néanmoins, nos réponses ont été entendues et écoutées avec intérêt par les étudiants auxquels nous avons donné les clés de lecture du jardin. Je peux affirmer sans aucune hésitation qu'ils ont bien aimé la placette et son filet ! Certains d'entre eux y ont passé leur journée !
Quels conseils aimeriez-vous donner aux futurs candidats du concours Carré des Jardiniers ?
Antoine De Lavalette : La recherche de financements, partenaires et sponsors est très importante, c'est la partie la plus lourde à gérer car c'est une réelle responsabilité. Il faut être vigilant car ça peut se retourner contre l'entreprise : avec un plan budgétaire mal ficelé et des dépenses moins contrôlées quand on approche de l'arrivée, on peut gagner le trophée de Maître Jardinier mais passer deux ans à renflouer sa dette.
Il faut se préparer à consacrer du temps mentalement au concours. C'est un marathon psychologique qui nous épuise d'une autre manière. À partir du mois de septembre, le montage se rajoute et tout devient très concret. On sait ce qu'on a à faire et on réajuste si besoin. Tout devient réel et la pression monte petit à petit tandis que les semaines défilent. Il y a tellement de paramètres à prendre en compte, comme la logistique par exemple, qu'on NE PEUT PAS improviser les choses au dernier moment.
De plus, bien qu'on ait l'impression d'être un peu seul, il faut parler du concours à tout le monde ! Le prémontage s'est fait avec l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise et surtout avec ceux qui ne sont pas venus ! C'est une aventure qu'il faut partager absolument ! On n'improvise pas non plus un esprit d'équipe, tout cela se construit dans le temps à base de confiance, de partage et de rigueur. À la fin, "on" est tous Maîtres Jardiniers.
C'est le ressenti d'un finaliste puis gagnant du concours... mais si je devais m'adresser simplement à ceux qui veulent tenter leur chance, alors je dirais : allez-y, foncez, c'est une expérience qui vaut 1000 projets et dont vous ressortirez épuisés, mais grandis !
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Le témoignage d'Antoine De Lavalette vous a convaincu de tenter votre chance ? Surveillez l'ouverture du prochain concours Carré des Jardiniers !
© Crédit photos : Alexandre Moulard