Décryptage de jardins : la renaturation s'impose au Carré des Jardiniers 2023
Quatre jardins urbains éphémères ont proposé des solutions pour intégrer une stratégie de renaturation dans les villes.
Lassées par le manque de nature, les familles s'éloignent peu à peu des centres-villes. Pour contrecarrer cet exode urbain, la collectivité doit réintégrer la biodiversité dans ses rues, ses cours d'école, ses dents creuses et placettes, tout en intégrant les arbres déjà en place, la topographie existante ou encore la gestion des eaux pluviales. Une renaturation nécessaire, qui confère au paysagiste le rôle d'écologue du territoire. Le cabinet de tendances CHLOROSPHERE, partenaire du concours Carré des Jardiniers 2023, a décrypté la manière dont les quatre jardins finalistes abordent le thème de la renaturation.
Antoine DE LAVALETTE, Maître Jardinier 2023, créateur de « L'im.pas.si.sage »
Dans ce jardin vainqueur du concours Carré des Jardiniers 2023, la renaturation passe par un espace capsule dans lequel la frontière se brouille progressivement entre béton et végétation. Au cœur de la ville, la renaturation concilie jeu et déambulation au cœur d'un cocon apaisant, invite à se lover sur un filet suspendu au-dessus d'un parterre végétal, et à prendre le temps d'être en contact avec la nature. La palette végétale est résolument sauvage, comprenant graminées, fougères et espèces à feuillage ornemental. La démarche d'Antoine DE LAVALETTE offre une réponse adaptée aux villes pour lesquelles le moindre m² compte.
« Le végétal est le symbole de la renaturation des villes. Dans notre espace, le passant sort d'une zone de perpétuels travaux pour se réfugier dans une impasse bien loin d'être angoissante : le cocon vert qu'elle représente permet de s'isoler de la ville. La plante reprend sa place et surgit dans une symphonie de vert. Le parcours se déroule naturellement à mesure que les plantes, arbres et arbustes reconquièrent le territoire urbain. Le passant se retrouve immergé au contact du vivant et est invité à se l'approprier : tantôt par des souhaits qu'il va attacher aux branches, tantôt en se posant sur un siège ajouré laissant passer quelques feuilles, et même en jouant au-dessus d'un tapis vert, sur un filet suspendu. Cette vision qui pourrait sembler dystopique remet toutefois le vivant au cœur de la ville. La plante permet de s'extraire du quotidien, se retrouver plongé dans des souvenirs et évoque forcément quelque chose à chacun. »
Matthieu CARLA, créateur du « Jardin Suspendu »
Comment répondre à l'envie de verdure d'habitants qui ont chacun leur propre vision de la nature ? Matthieu CARLA relève le défi avec brio en proposant une renaturation qui permet à chacun de trouver son propre cocon dans un espace commun. Dans le Jardin Suspendu, une terrasse marocaine côtoie un espace potager en hydroponie ou encore une microforêt. Par un subtil mélange entre matières, volumes et végétal, la renaturation urbaine peut être individualisée. Une stratégie qui plaît, récompensée du prix « Coup de cœur des étudiants » du Carré des Jardiniers 2023.
« L'espace urbain tend à se densifier par la verticale. Les toitures et terrasses deviennent de nouveaux espaces prisés des promoteurs et donc des habitants. Travailler sur un petit espace hors sol et en écosystème urbain est un défi qui doit relever le pari de l'esthétique et du fonctionnel. Dans cette création, nous avons imaginé plusieurs terrasses : le visiteur passe du 5e étage, au septième ciel à travers ces jardins suspendus. Tantôt terrasse pour profiter d'un barbecue ou véritable microforêt, les usages sont aussi multiples que les goûts et envies des habitants. Si l'immeuble est livré comme une page blanche, chacun y inscrit son histoire et le paysagiste a aussi sa place pour permettre de traduire toutes ces trajectoires de vies en des jardins. »
Vincent GRUNEWALD, créateur de « L'Entre Deux Bruits »
La microforêt est, ici, reine de la stratégie de renaturation de Vincent GRUNEWALD. La palette végétale, constituée d'essences locales laissées en semi-liberté, nécessite un entretien minimal, tout en restant maîtrisée pour préserver les zones de circulation et zones de repos. L'idée est de renaturer l'espace progressivement, en comptant sur les plantes à forte capacité de réensemencement, et de faire pousser au fil du temps un véritable cocon végétal qui atténue les bruits de la ville.
« L'espace urbain n'est pas extensible, la vision des grands parcs et jardins qui ont dessiné nos villes n'est plus possible. Par contre, chaque cité regorge de petits espaces peu ou mal exploités. Parfois nous abattons des arbres pour simplement remettre un bâtiment, alors que les riverains y sont attachés. L’arbre est un symbole. Dans notre projet nous sommes partis d'un arbre existant qui devient le point central d'un nouvel aménagement. Il est préservé et laissé dans un contexte naturel, en autogestion. Tout autour nous plantons une palette qui va évoluer avec le temps. Certaines espèces vont disparaître et d'autre prendre le dessus. Cette parenthèse dans la ville est permise par un mur d'enceinte antibruit. Alors qu'à l'extérieur, l'agitation de la ville suit un rythme effréné, dans cette bulle végétael, le calme est de mise, jusqu'à permettre d'entendre le bruit des oiseaux. »
Simon FREITAG, créateur de « La Vi’ll’e de Demain »
La question du changement climatique est au cœur de la renaturation, et jardin de Simon FREITAG offre un panel de solutions pour atténuer les effets d'albédo, de la désimperméabilisation des sols aux voûtes végétales. Mais il est aussi tourné vers les jeux de textures et senteurs qui guident l'usager dans cet espace ludique, où la renaturation est avant tout synonyme d'habitabilité. Chacun peut s'approprier cet espace végétal en plein cœur de la ville et laisser libre cours à ses sens.
« Pour apprécier la nature en ville il faut commencer par s'extraire de la foule. En entrant dans ce jardin, les sens sont mis en éveil : la curiosité est piquée par la bibliothèque en libre accès, puis le jeu arrive avec les pas japonais rappelant les touches de piano. Le piéton devient un passant, puis un visiteur et même un résident de cet espace, le temps d'une lecture. La ville s'efface, jusqu'aux bouches d'aération du métro qui sont entourées de plantes odorantes pour en atténuer les effets. Le paysagiste d'aujourd'hui apprend des erreurs du passé pour imaginer demain. La chaleur urbaine est atténuée par des îlots de fraîcheur formés par des voûtes végétales. Les matériaux restituent en soirée, la chaleur accumulée en journée plutôt que de chauffer inutilement l'espace public. La lumière est intégrée à la matière plutôt que d'ajouter des lampadaires...Dans ce jardin qui n'oublie pas de dynamiser la ville par ses couleurs, il est avant tout question de redonner une place justifiée à la nature. »
CHLOROSPHERE, cabinet de tendances végétales
Comment l'univers du paysage évoluera-t-il dans les prochaines années ? C'est la question à laquelle Manuel RUCAR, dirigeant de CHLOROSPHERE et partenaire du Carré des Jardiniers, répond en identifiant chaque année les tendances du végétal.
Pour découvrir les tendances du jardin, 2024-2025, retrouvez sa conférence donnée sur le salon Paysalia 2023.
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