5 conseils d'architectes paysagistes pour changer la pratique de la ville
Les architectes paysagistes Arnauld Delacroix et Michel Pena donnent leurs astuces pour rendre la ville "vivante et jouissive".
Vivante et jouissive : serait-ce les principaux attributs de la ville durable ? Lors d'une conférence sur Paysalia 2021, les architectes paysagistes Arnauld Delacroix et Michel Pena sont intervenus pour donner une réponse aux collectivités en quête d'une feuille de route. Explorons l'approche de ces professionnels du paysage émérites, qui œuvrent tous deux pour changer les villes grâce au végétal et à l'urbanisme durable.
Une ville durable, c'est d'abord apporter du vivant
Auparavant, l'urbanisation détruisait la nature. Maintenant, c'est l'inverse ! « Lorsque la nature ne trouve plus sa place en milieu agricole à cause des cultures intensives, elle revient en ville » explique Arnauld Delacroix. En attendant que la nature reconquière nos campagnes, c'est donc bien au travers des villes qu'elle peut retrouver son rôle de sanctuaire de la biodiversité : épargner les herbes folles sur les trottoirs, attirer les oiseaux en ville, laisser la vie s'épanouir dans des jardins publics et privés. Et pourquoi pas même végétaliser les cimetières !
Et si on apportait une touche de jouissif dans tout cela ?
Parce que le paysage n'est pas que la nature, mais aussi la manière d'appréhender la nature, le « jouissif » émerge. C'est en ces termes que raisonne Michel Pena : « Le paysage, c'est d'abord une relation sensible et jouissive avec l'environnement. Il me console du monde à travers un beau ciel, une belle forêt… C'est une jouissance de transformer la ville en jardin. »
Une relation sensible, mais aussi relative ! « On ne va pas réintroduire des vipères et des sangliers dans le bois de Boulogne. À Nantes, je proposais de mettre des plantes grimpantes sur une façade, mais les habitants ont refusé à cause des petites bêtes que cela pouvait attirer. La notion de nature est culturelle. »
Bibliographie pour changer le paysage de la ville
Arnauld Delacroix, "La nature en ville", collection Inventons la ville paysage, Éditions Fabrique de Jardin, octobre 2020
Michel Péna, "Changer de mode de ville", collection inventons la ville paysage, Éditions Fabrique de jardin, avril 2021
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5 axes pour changer la ville en un milieu urbain et jouissif
1. Aucune ville n'est un cas désespéré
Pour étayer son propos lors de cette conférence, Arnauld Delacroix nous partage un retour d'expérience : « Nous avons pu faire un jardin sur une ancienne friche avec des déblais et gravats de construction, sur lesquels on a planté 1 500 arbres pour faire une zone éponge et infiltrer les eaux pluviales de la partie amont d'un quartier. »
Un avis partagé par Michel Pena, qui évoque à son tour aux collectivités et paysagistes présents la nécessité de donner un peu d'espoir aux endroits désespérés, par exemple les terres polluées. D'autant plus que des solutions existent pour dépolluer les sols !
Découvrez deux exemples de réhabilitation de friche industrielle
À Dunkerque À Taïwan
2. Voir le ciel jusqu'à l'horizon
Le paysage est bien plus qu'un espace vert. Pour laisser la ville respirer, il faut travailler les ouvertures sur le paysage ! Par exemple, Michel Pena souligne que « à New York, le ciel descend jusqu'aux trottoirs grâce aux failles des grandes allées. On pourrait presque voir les vaches qui paissent aux abords de la ville ! De quoi relativiser la présence des tours et immeubles gigantesques. »
Le point commun des villes où l'on respire ? Le regard est à hauteur d'homme. Et, bien sûr, assez de végétaux pour assainir l'air !
3. Créer des oasis de verdure
À l'image de Central Park, les espaces verts sont de véritables oasis. Ils infiltrent les eaux pluviales, stockent le carbone via les arbres et les prairies, et rafraîchissent les environs. Une problématique majeure pour de grandes villes comme Toulouse, Nantes ou Paris, qui feront face dans quelques années à des températures atteignant les 50°C.
« C'est une question de survie pour les habitants : si on fait descendre la température de plusieurs degrés, on aura solutionné cette problématique tout en recréant une biodiversité. » explique Arnauld Delacroix.
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4. Préserver l'eau pour la biodiversité
Qu'elle soit située dans les profondeurs du sol ou dans une mare, l'eau est importante en ville. En cas de fortes chaleurs, les végétaux rafraîchissent les alentours par le biais de l'évapotranspiration. Et la biodiversité aime trouver refuge dans les plans d'eau et sols humides ! De plus, « lorsqu'un projet est bien équilibré environnementalement, on a juste ce qu'il faut en matière de biodiversité : des grenouilles qui vont se nourrir de moustiques, quelques couleuvres, etc. Et n'oublions pas que 30 % de la biodiversité mondiale est située dans le sol ! » souligne Arnauld Delacroix.
5. Créer moins de parkings
« Il y a un vrai combat à mener contre le besoin des gens de garer leur voiture afin de transformer des parkings en jardins » constate Michel Pena, qui illustre ses propos en évoquant la Promenade du Paillon à Nice. Selon lui, il y a toute une éducation à faire pour que d'autres formes de vie nécessaires à la biodiversité soient acceptées, aussi bien par les habitants que par les politiques.
Michel Pena conclut cette conférence sur le paysagisme urbain en affirmant que « tout le monde devrait passer une nuit à la belle étoile pour acquérir une éducation poétique à la nature. Et s'il faut créer des villes plus denses pour ne pas empiéter sur la bonne terre de la campagne, elles doivent être plus naturelles, avenantes, agréables. » En d'autres termes, vivantes et jouissives !
Retrouvez bientôt le podcast de cette conférence
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